Dieu le père ?

Par Georges Zimra
Français

Dieu est le signifiant de la Révélation, le signifiant de l’origine pour la religion. La quête de Dieu pour l’homme est la quête des signifiants de l’origine, toujours manquants, inadéquats, fragmentaires. La psychanalyse est née du malaise dans la civilisation, de l’avènement de la science, de la modernité, à la croisée des chemins du marxisme, du nationalisme, du sionisme. L’assimilation qui sembla un temps être une solution à la question juive fut l’arête la plus vive de l’antisémitisme. Devenu citoyen et non plus apatride, le juif fut plus allemand que les Allemands, le mythe du juif errant avait vécu et l’Allemagne devenait la « patrie de l’âme juive. » Au mythe de l’exil le sionisme substitua le mythe du retour. Freud a montré que l’homme n’échappe pas à son histoire, que celle-ci demeure inscrite jusque dans ses enclaves corporelles qui sont autant d’archives du temps, de la mémoire, de l’histoire. Le siècle de Freud fut également celui des penseurs et des philosophes juifs de l’espérance et du messianisme qui ont rénové la spiritualité. En quoi l’avènement de la psychanalyse tranche dans le même siècle, dans les mêmes décennies, dans la même langue avec la pensée de Hermann Cohen, Martin Buber, Gershom Scholem, Frantz Rosenzweig ? Quelle est la place de la psychanalyse au regard d’une telle pensée qui considère que la sécularisation n’est ni un achèvement ni un aboutissement ni enfin l’expression d’un progrès mais la réduction de l’homme par le politique et par l’État. Peu sensible au recyclage messianique de toutes sortes, Freud avec le Moïse, décentre la problématique du père, en déplaçant la question de l’origine et de l’élection du peuple juif pour faire de Moïse un Égyptien. C’est l’étranger qui habite l’homme et non la terre. Telle fut la réponse qu’il adressait au national socialisme, à Jung et à tous ceux qui se proclamaient d’une auto-élection. Ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui le retour du religieux est la construction d’un nouveau paganisme en réaction à la modernité, à la science, à l’impossibilité de rénover le signifiant de la Révélation autrement qu’en le pétrifiant dans une pratique identitaire ou communautaire ou en cédant au nihilisme intégriste qui fait de l’homme le père de Dieu.

Mots-clés

  • Dieu
  • Père
  • Religion
  • Eternité
  • Histoire
  • Mémoire
  • Science juive
  • État
  • Sécularisation
  • Émancipation
  • Assimilation
  • Sionisme
  • Messianisme
  • Identité
  • Germanité
  • Judéité
  • Antisémitisme
  • National socialisme
  • Loi
  • Amour
  • Christocentrisme
  • Athéisme
  • Métissage
  • Aufklärung
  • Halakha
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