L'héroïsme sacrificiel de l'adolescent anorexique

Un destin pulsionnel entre idéalisation et sublimation
Par Benjamin Lévy
Français

Le symptôme d’anorexie mentale sévère chez le garçon pubère, ne tient-il pas lieu de tentative de figuration de son impossibilité à s’identifier à son père au moment de la réactualisation du Complexe d’Œdipe à l’adolescence ? Assujetti à un état de dépendance réelle à l’autre et particulièrement à sa mère, l’adolescent anorexique se maintient dans une relation fantasmatique infantile à celle-ci et nie la réalité de sa puberté masculine qui est souvent retardée. Le complexe d’Oedipe n’étant pas détruit, le sujet anorexique ne craint pas l’angoisse de castration et n’a pas accès aux affects structurant de l’ambivalence (intrication d’amour et de haine). Les limites de son angoisse ne sont plus bordées. Ses affects peuvent le conduire dans le tourbillon des angoisses d’effondrement. Non médiatisées par un tiers (le père), la relation mère fils est teintée de rapports passionnels d’amour et de haine selon une logique du tout ou rien (manichéisme). Non tolérés par la censure et la société, les affects d’agressivité qui assaillent le sujet sont massivement refoulés (« agressivité latente », E. Kestemberg, 1972). Luttant contre des angoisses d’intrusion, d’abandon et d’effondrement, l’omnipotence de l’adolescent anorexique tient lieu d’ultime bastion pour maintenir son sentiment d’existence et son identité narcissique. Nourri par l’omnipotence, l’héroïsme sacrificiel de l’adolescent anorexique conjugue les excès narcissiques de l’attraction à un idéal (héroïsme) et l’évitement des échanges relationnels ainsi que la restriction des plaisirs imposée par la sublimation (sacrificielle).

Mots-clés

  • Préambivalence
  • Omnipotence
  • Héroïsme sacrificiel
  • Sublimation
  • Idéalisation
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