Don de soins et dette de vie en hémodialyse

Par Laurence Paumier-Bidault, Gilles Michel
Français

Les travaux de psychopathologie psychiatrique et psychologique décrivant les affections des patients bénéficiant du traitement par dialyse itérative établissent des constantes de syndromes psychiques évocateurs de dépression clinique et d’angoisse chronique. De nombreuses recherches (Carbonell, 1978 ; Consoli, 1990 ; Cupa, 1997) font un lien entre la présence de la machine réalisant l’hémodialyse et l’installation de ces syndromes psychopathologiques. Dans la suite de ces travaux, les auteurs proposent de considérer le rapport à la machine comme support d’un lien transférentiel (Freud, 1915). Il s’agira d’envisager cette notion classiquement repérée dans le cadre psychothérapeutique dans une version qui met en avant la mise en place d’une lecture des rapports humains basés sur le don (Mauss, 1923-1924).
La relation thérapeutique, pour le patient hémodialysé, est essentiellement perçue par lui comme une relation où il reçoit des soins dont il se sent redevable d’une manière plus appuyée que dans d’autres situations de soins. Le lien thérapeutique engagé dans les soins en hémodialyse itérative entraînerait le patient vers une position extrême de tentative de compensation de cette dette de vie (Bydlowski, 1996).
Certaines attitudes des patients se présentent en réponse à cette impression d’être pris dans des liaisons basées sur une dette ressentie comme écrasante. Par exemple, la négation de la gravité de la maladie par le malade, que nous interprétons comme une « banalisation du mal », lui permet de se placer dans la position du « bon patient » qui serait très compliant aux soins ou dans celle du « mauvais patient » qui serait très peu compliant, principalement, au régime alimentaire auquel il est astreint. Ainsi, dans cette veine d’idée, nous supposons que la provocation de la mort qui peut être entraînée par une conduite suicidaire vis-à-vis du régime alimentaire, entre dans cette catégorie du « contre-don » (Mauss, 1923-1924) dans laquelle la mort viendrait conforter la dette contractée et assurerait une voie « de sortie » permettant au patient de s’en extraire.
Notre développement consiste à orienter une lecture de la relation soignant-soigné au filtre de la conception de la dette de vie. Le rapport à la machine viendrait soutenir une surface interstitielle de la modalité spécifique d’un transfert soignant dans les soins par hémodialyse.

Mots-clés

  • Hémodialyse
  • Don
  • Dette
  • Soins
  • Psychopathologie
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